Tuesday, July 29, 2008

Sécurité et tranquillité 安全と安心

On dit souvent que le Japon est un pays particulièrement sécuritaire et qu'il peut se targuer d'avoir un des taux de criminalité les plus bas parmi les grands pays industriels, car même s'il est vrai que les crimes de sang sont particulièrement sordides et fréquents (boucheries dans des écoles primaires, massacres absurdes comme celui de Akihabara en juin dernier ou drames familiaux divers), force est de constater que la "petite" criminalité (agressions, insultes, vols à la tire) elle, est plutôt rare ou isolée. En fait la plupart des agressions semble surtout concerner les femmes ou les jeunes filles; car qu'ils aient les mains baladeuses (痴漢 ちかん), qu'ils suivent leurs victimes (ストーカー) ou qu'ils exhibent leurs bijoux de famille (露出狂 ろしゅつきょう), les pervers sexuels sont légions au Japon. Fort heureusement les messages d'avertissement, principalement dans les trains, se sont développés depuis quelques années, mettant ainsi fin au silence "imposé" aux victimes de ce genre d'abus. ちかん あかん!comme dit la pub à Osaka. (non aux mains baladeuses!).
Une autre cible privilégiée au Japon: les personnes âgées. Ces dernières sont principalement la cible d'arnaques qui visent à leur soutirer de l'argent comme ces fameux escrocs culottés qui se faisaient passer au téléphone pour un petit fils dans le besoin (おれおれ詐欺 さぎ). La mémoire défaillante de certaines victimes leur faisait parfois faire des virements de sommes considérables.

Mais que fait la police?

La police est ton amie
Bien que discrète, la présence policière est omniprésente dans les villes à en juger par le nombre très élevé de "Kouban(交番)", ces petits postes de police de proximité installés près de toutes les gares et approximativement tous les 100-150 mètres. Ils abritent des agents de quartier (おまわりさん)qui sont là pour gérer d'éventuels différends de voisinage ou les infractions les plus communes (vélos mal garés, déclaration de vol etc.) et veillent au grain pour le plus grand bien de leurs concitoyens. C'est également LE point de rendez-vous inévitable et une sorte de lieu où l'on peut se renseigner sur le chemin à prendre si on est perdu. En bref c'est une véritable institution qui fait partie du décor urbain et qui promet "Sécurité et tranquillité pour le quartier".
C'était d'ailleurs là le thème principal d'une manifestation festive qui s'est tenue à Yokohama le 29 juillet dernier: 安全安心の街づくり "construire un quartier sûr et tranquille".
Cette manifestation avait pour but de présenter le rôle de la police dans la vie japonaise à grand renfort d'uniformes, de technologie et de fanfare. L'ambiance était bon-enfant: une légion de femmes étaient présentes avec landaus et marmots, lesquels gambadaient joyeusement entre les voitures en exposition et les différents stands équipés de télévisions et d'ordinateurs vantant les mérites de l'équipement logistique de la police.
Quelques cadeaux leur étaient également distribués, et les plus petits pouvaient colorier des dessins en noir et blanc montrant des policiers tout sourire arrêtant des malfrats ou avertissant de la nécessité de faire attention à qui se trouvait près de soi dans la rue. Certains dessins mettaient en scène de pauvres citoyens poursuivis la nuit par des êtres sans nom et malveillants. Les plus beaux coloriages étaient affichés sur le mur. J'ai même cru discerner un Mickey mais je n'ai pas su dire s'il faisait partie des bandits ou non.

Dans ce pays où l'habit fait le moine, les gens ne pouvaient que se réjouir: la police est là pour construire un meilleur quartier et un meilleur Japon. Uniforme, mascotte et cadeaux: tous les ingrédients étaient réunis pour rendre les Japonais heureux . Et en particulier les enfants qui sont souvent une cible de choix pour approcher les parents.
Je suis resté interdit devant ce curieux spectacle indéniablement joyeux à en juger par la myriade d'enfants survoltés et rieurs, spectacle auquel on ne nous a jamais vraiment habitué en France. Là-bas dans mon souvenir, les policiers ne sourient pas et ils ne font pas de cadeaux...

La ville te regarde
Mais plus que l'affaire de la police, la sécurité au Japon c'est d'abord une affaire de vigilance civile et collective comme le montre ces posters que l'on peut trouver dans tous les quartiers:


Le contenu est on ne peut plus explicite: "Dans ce quartier on observe et on signale (sous-entendu les individus louches)". Chacun, de la grand-mère au commerçant et en passant par le chat, lutte contre le Crime "犯罪 はんざい" devenant ainsi l'artisan de sa propre sécurité. Au Japon on ne dénonce pas, on informe. Il faut dire que les pervers sexuels entre autres font de tels ravages dans ce pays, que les professeurs de la majorité des écoles (collèges et lycées) surveillent à tour de rôle les alentours de leur établissement lorsque les élèves sont autorisés à sortir, c'est à dire le matin et après les cours.

Ici aussi le message est on ne peut plus clair: "Cambriolage, voleurs: pas de pitié!". Les yeux "kabuki", que l'on peut voir sur de nombreux véhicules (police, camions de livraison etc.) sont là pour vous rappeler que le crime ne passera pas inaperçu. Et sous les habitants modèles qui ne sont pas là pour rigoler non plus quand on s'attaque à leurs biens (et je les comprends) on peut lire: "Tout le monde surveille dans le quartier de Yotsuya!"
Remarquez d'ailleurs l'homme à l'extrême droite, celui en vert avec sa lampe de poche et son chapeau où il est inscrit 防犯 ぼうはん "Anti criminalité". N'en avez-vous jamais croisé de semblables? Souvent rassemblés en troupeaux de septuagénaires aux vêtements fluos qui patrouillent énergiquement à grand renfort de casquettes et pancartes où il est écrit 防犯パトロール: "patrouille anti criminalité" (comprenez milice civile). Car même dans les grandes villes, et bien plus qu'en France, la vie de quartier est extrêmement forte et développée à tel point que ce genre de patrouille est omniprésente et fait office de relais de la police.
Nul besoin de caméras. Et puis il faut bien occuper le troisième âge.
Beaucoup de vélos en outre, en particulier ceux des mamans qui emmènent leurs enfants à l'école, possèdent également un écusson indiquant:パトロール中 ちゅう "en patrouille".


Maintenant que les rues sont à peu près sûres, il serait temps de s'occuper des malaises bien plus profonds de la société, car en attendant, personne ne prête attention à ce jeune collégien taciturne sur le trottoir d'en face, au regard vide, qui a décidé de découper ses parents à coup de couteau de cuisine et de mettre le feu à son appartementen rentrant chez lui...


Petit lexique de la criminalité:
空き巣(あきす akisu): cambriolage, cambrioleur.
おれおれ詐欺(おれおれさぎ oréoré sagi): il s'agit d'une arnaque de la part de gens qui se faisaient passer pour le petit fils d'une personne âgée en leur disant " C'est moi, c'est moi, tu ne te souviens plus?", dans le but de leur soutirer de l'argent.
食い逃げ(くいにげ kuinigé): littéralement "bouffer et fuir", en gros partir d'un restaurant sans payer.
詐欺(師)(さぎし sagishi): escroquerie (escroc).
殺人(さつじん satsujin): meurtre.
ストーカー: de l'anglais "stalker" se dit d'une personne qui en harcèle une autre en l'épiant et en la suivant, dans le but d'obtenir ses faveurs.
すり suri: vol à la tire.
セクハラ sekuhara: de l'anglais "Sexual harassment", c'est à dire harcèlement sexuel.
痴漢(ちかん chikan): se dit d'un homme qui se livre à des attouchements sur les femmes et les jeunes filles. Ce genre d'individus se trouve principalement dans les endroits fortement bondés comme les gares et les trains. L'équivalent féminin est 痴女(ちじょ chijo). Si vous veniez à vous faire accuser de ce genre de pratiques par une femme, même a tort, vous n'auriez que très peu de chances de vous défendre, les autorités donnant quasiment systématiquement raison aux femmes. Il existe d'ailleurs des sites expliquant les postures à prendre pour ne jamais être pris au dépourvu.
通り魔(とおりま toorima): se dit d'une personne qui attaque les passants.
泥棒(どろぼう dorobô): voleur.
犯罪(はんざい hanzai): crime. Dans la même famille il y a 有罪 (ゆうざい yûzaï)"coupable", et 無罪(むざい muzaï)"innocent". Si vous veniez à être arrêté(e) alors que vous n'avez rien fait, répétez "私は無罪です わたしはむざいです watashiha muzai desu)"Je suis innocent(e)" et ne signez absolument aucun document que vous ne puissiez comprendre.
ひったくり: vol à l'arrachée.
不良(ふりょう furyô):
délinquant (signifie aussi défectueux pour les objets).
暴走族(ぼうそうぞく bosôzoku): motards très souvent mineurs organisés en bandes et dont les objectifs dans la vie sont de faire du bruit sur leurs bécanes trafiquées, boire de l'alcool et glander toute la journée. Bienqu'ils tendent à disparaître, ils étaient particulièrement nombreux dans les années 80/90.
万引き(まんびき manbiki): vol à l'étalage.
露出狂(ろしゅつきょう roshutsukyô): exhibitionniste.

4 comments:

Anonymous said...

Merci de nous faire profiter de ton savoir! J'en ai beaucoup appris en parcourant ton blog. Je m'arrête sur cet article en particulier car j'ai dans l'intention de (peut-être) faire mes études pendant un an au Japon. Mais j'ai vu sur certains blogs qu'il y avait beaucoup de pervers et que pour une fille il était assez dangereux de vivre à Tokyo... qu'en penses-tu?
En tout cas ton blog est très bien. Bonne continuation.

Anonymous said...

Chère Nina, voyant ton message je me permets de prendre de l'avance sur la réponse de Charles, -erm-, pour te rassurer: tu prends beaucoup moins de risques en vivant à Tokyo qu'à Paris. C'est une des villes les plus sécurisantes et reposantes du monde pour la gent féminine.

Ce dont tu as entendu parler, c'est peut-être de quelques pervers qui essaient parfois d'effleurer discrètement les fesses des jeunes filles dans les métros bondés, mais rassure-toi, d'une part c'est plutôt rare, et d'autre part si ça t'arrive ils ne font tout de même pas grand mal et tu peux dire "chikan" -pervers- et ils arrêteront tout de suite...-quand j'ai un doute, je peste en français, ça marche-.

Ensuite, les Japonais draguent si peu que tu risques même d'avoir la nostalgie de la France!

Enfin quand ils draguent, ils restent très civilisés, en général . Si tu dis "dame" calmement, -non de non, ne l'envisagez même pas-, ils se contenteront d'un air déçu et poursuivront leur chemin.

Bref, pas de problème de sécurité, sauf cas exceptionnel, bien sûr, donc les bloggeurs en question ne doivent jamais avoir vécu à Tokyo...

Charles Héraut-Goureau said...

Pfiouu, rien faire des vacances ça pousse pas à l'inspiration. Ça fait un bail que j'ai pas écrit de billets, mais j'en ai quelques uns en tête pour la rentrée.
Bon bah nina-chan, la fille à Tokyo a dit l'essentiel je pense. Ne t'inquiète pas trop, les japonais préfèrent embêter les jeunes japonaises plutôt que les femmes étrangères.

Anonymous said...

Ouf vous m'avez rassuré alors :) Hontoni arigato pour ta réponse "une fille à tokyo" et arigato aussi à Charles :)

Mon voyage reste donc d'actualité ^^

@Bientot peut-etre au détour d'une rue à Tokyo :p

J'attends tes autres post avec impatience Charles ^^