Saturday, May 31, 2008

Urbangarde アーバンギャルド

(Apparemment les vidéos sont désactivées sur les blogs au bout de quelque temps et comme j'en ai marre de les remettre à chaque fois, si ça arrivait encore, vous pouvez les visionner directement sur YouToube ou sur le site officiel du groupe en bas de l'article.)

D'abord une vidéo セーラー服を脱がないで "N'enlève pas ton uniforme" (à regarder en entier parce que ça part vraiment en sucette au bout de 50 secondes):


Cet ovni musical c'est le groupe Urbangarde, un quintet de Technopop qui commence à se faire connaître au Japon et dans le monde et qui sort un nouvel album 少女は二度死ぬ "les jeunes filles meurent deux fois" aux morceaux plus qu'évocateurs:
01. 水玉病
02. セーラー服を脱がないで (Album Mix)
03. 女の子戦争 (New Mix)
04. ファッションパンク 
05. オギノ博士の異常な愛情 
06. ヌーヴォーロマン
07. いちご殺人事件
08. 仮想敵
09. 少女の壊しかた 
10. コマーシャルソング 
11. 四月戦争
Traduction approximative des chansons: 1) la maladie des pois 2) N'enlève pas ton uniforme 3) Guerre de filles 4) Fashion Punk 5) Les sentiments particuliers du professeur Ogino 6) Nouveau Roman 7) L'affaire du meurtre à la fraise 8) L'ennemi supposé 9) Comment casser une jeune fille 10) Commercial Song 11) Guerre d'avril

Sur fond de techno pop/rock épileptique, le groupe mélange
habilement par l'intermédiaire de la chanteuse Yoko Hamasaki (yokotan) et sa voix de poupée pop, le côté Kawaii japonais à des thèmes plus sérieux comme les relations (sexuelles) entre élève et professeur; la virginité et le passage à l'âge adulte des jeunes filles (ominprésence de la couleur rouge et des règles) ou encore la folie (tous les clips partent en vrille). Il en ressort une sorte de violence à la fois visuelle et intellectuelle assez malsaine et en parfait décalage entre la voix de la chanteuse, les paroles d'ado en pleine floraison (encore le 満開) et les images en elles-mêmes qui se passent de commentaires, sans parler des titres des morceaux. Violence loin d'être inintéressante. Je dois même dire que je ne déteste même si je ne suis pas forcément fan de la musique pop japonaise en général.

Parmi leurs influences, outre sociales avec le rapport interdit prof/élève (3 chansons sont sur ce thème 2) 5) et 6)), on retrouve un certain visuel cher à Aida Makoto (会田誠), un artiste japonais dont je parlerai prochainement, au travers entre autres des icônes japonaises tels que le sabre, les uniformes ou encore le rouge/sang (regardez Kill Bill pour vous en convaincre).
Enfin Matsunaga, le leader du groupe, ne cache pas son intérêt pour la France des sixties de Gainsbourg et Gall, qu'on retrouve dans le côté à la fois kitsch et 下ねた "sous la ceinture" de certaines vidéos.

Encore une petite au passage (水玉病):

Pour conclure, ce petit groupe complètement décalé me plaît bien mais plus pour le côté visuel que musical à vrai dire. A suivre donc.

Le site officiel dans la même veine.

Sunday, May 18, 2008

Introduction: pourquoi ce blog?

J'en suis persuadé maintenant, le Japon n'est pas un pays à visiter mais à habiter, à vivre au jour le jour afin d'arriver à passer outre ce qu'il veut bien laisser paraître de sa véritable substance. C'est un miroir sans tain qui ne fait que refléter à la plupart de ceux qui s'y mirent leur propre image fantasmée, décuplée et glorifiée, image que l'on rencontrera dans les yeux des femmes, dans la bouche des gens lorsqu'ils nous félicitent pour nos trois mots de japonais ou encore dans la bienveillance et la politesse ambiantes de ce peuple au demeurant charmant. Pendant ce temps là, au pays de la liberté, les préjugés et les critiques ont la vie facile, et les commerçants toujours pas de monnaie et toujours aussi désagréables. Mais s'arrêter à cette image, certes attirante, c'est comme contempler un set de poupées russes sans ouvrir ne serait-ce que la première d'entre-elles; c'est s'arrêter au reflet que le Japon et les Japonais nous renvoient, déformé, de nous-même.
Le Japon, c'est le pays où tous les fantasmes sont possibles et offerts sur un plateau de nacre, fantasmes qu'il aura lui-même souvent créés de toutes pièces mais dont l'exotisme et la facilité auront facilement le dessus sur notre curiosité et notre raison. Le Japon, c'est un pays aux mille et un délices où chaque étranger peut plonger dans les abîmes de ses pulsions les plus refoulées et devenir Dieu, voire japonais. Mais pour un temps seulement car attention à la chute: au pays du soleil levant, tout est à l'image des fleurs de cerisiers qui à peine au maximum de leur floraison (満開), finissent déjà par tomber (散る) en même temps que l'intérêt extrême et décalé qu'elles ont suscité. Le Japon est un monde flottant sans cesse en mouvement, tremblant en fonction des soubresauts du "namazu" (鯰), le poisson-chat géant qui est censé le supporter sur son dos. Tout ne semble être que fugacité (はかない) et fatalité (仕方ない). J'ai l'intime conviction que c'est là tout ce qu'il faut comprendre sur ce pays sans quoi c'est la déception, et parfois même le rejet pur et simple.

Evidemment, il n'est pas facile de pouvoir appréhender une culture si différente de la nôtre et de parvenir à regarder à travers le miroir et le reflet si charmant de notre vanité et de nos passions. Les barrières socio-culturelles sont difficiles à franchir à commencer par celle de la langue, où il faut tout dire sans ne rien dire; où les mots sont des phrases; où le "oui" est un "non" et le "non un sourire; où "merci" se dit "désolé"; où lire et écrire est l'apprentissage de toute une vie...
Puis il y a la barrière du visage, impassible et trompeur. Pour nous autres occidentaux qui avons nos sentiments et nos intentions affichés clairement en lettres de feu sur notre figure, nous sommes d'une prévisibilité qui nous rend faibles et souvent incapables de comprendre, du moins dans un premier temps, les sentiments japonais autrement plus subtils. Comprendre le Japon et les Japonais demande énormément de temps et de persévérance (la réciproque est certainement vraie pour les Japonais à l'égard des Français mais dans une moindre mesure il me semble). Je suis moi-même passé, en 15 ans d'expérience du Japon et de ses habitants par tous les stades possibles et imaginables du comportement humain. L'intérêt s'est vite mué en passion, puis en fascination aveugle. La facination en doute et le doute en désillusion, puis en haine et en rancoeur. La rancoeur a finalement laissé sa place au cynisme et le cynisme à la maturité et au recul par rapport au Japon bien sûr, mais à moi-même aussi. Depuis que j'ai compris que je ne serai jamais plus qu'un "gaijin" (外人) lambda, le Japon est un pays très agréable à vivre où les étrangers bénéficient de la plupart des avantages de ce pays sans avoir à subir les inconvénients, souvent liés aux groupes d'individus (entreprises, école...) et au fait qu'on ne s'attendra pas à ce qu'ils réussissent à s'adapter à la culture et à la langue (à la différence de la France où l'intégration me semble être une des conditions sine qua non à l'acceptation nationale).
A force d'observation et d'humilité, j'ai commencé à saisir de nombreuses subtilités comportementales tels que l'humour où le cynisme à la japonaise, dont je n'avais jamais vraiment eu conscience auparavant. Je suis maintenant sans cesse à la recherche de ce Japon des déviances, des masques tombés et du miroir brisé. Ce pays, derrière son uniformité et sa rigidité apparentes, est d'une richesse et d'un chaos sans limites.

J'aimerais donc, avec cette introdution pédante, prétentieuse et clairement masculine, vous inviter à partager un Japon insolite, et inconnu de ceux qui n'ont pas eu la chance d'y habiter ou d'y vivre assez longtemps pour en comprendre tous les rouages. Un Japon d'ailleurs pas toujours glorieux ni plaisant. Evidemment, je ne prétends pas tout savoir sur le Japon et les Japonais. Je prétends juste que derrière l'image que ce pays veut bien donner de lui se cache un autre Japon bien plus subtil et passionnant et sur lequel j'ai envie d'échanger mes vues. Je suis persuadé qu'il faudrait plus d'une vie pour faire le tour de ce pays unique et versatile, malheureusement je n'ai pas autant de temps devant moi.